La Fin du monde
2009 : Prix du jury œcuménique de la bande dessinée. Wazem et Tirabosco signent, après « Monroe », un récit où l’intime et le fantastique se mêlent délicatement pour mieux faire surgir l’émotion.
Auteurs suisses Bichromie Douleurs intimes La Mort Nouveau Futuropolis One-shots, le best-of Prix oecuménique
Sur une route de campagne, une voiture file malgré l’orage. À l’intérieur un couple et leur petit garçon. La mère est sur le point d’accoucher. Un arbre, touché par la foudre, s’écrase brutalement sur la voiture. Vingt ans plus tard, une jeune fille mélancolique regarde la pluie tomber. Depuis quelques jours déjà, un véritable déluge tombe sur la terre comme un signe de début de fin du monde… « Elle », réfugiée dans ses pensées intérieures, ne peut s’empêcher de songer que son état de vide coïncide avec le début de la pluie. Mais est-ce une simple coïncidence ? D’autant que son amoureux n’est pas loin de croire que la fin du monde approche. Un retour dans la maison de son enfance et ces dialogues avec un chat lui permettront de mieux comprendre les raisons de son spleen.
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Date de parution | 25 Août 2008 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Impossible de se tromper sur le dessin de Tirabosco. Qu'on aime ou pas, l'aspect de crayon gras dû à la technique du monotype employée, ses formes douces qui passent facilement pour du dessin jeunesse, lui confèrent une personnalité sur laquelle on peut difficilement se tromper. Et ici la bichromie avec ce bleu rend cet album particulier entre tous ceux de Tirabosco. Personnellement j'aime beaucoup, même si le dessin en question ne convient peut-être pas pour tous les types d'histoires. La fin du monde est de prime abord une histoire étrange. En tout cas si on pense lire une véritable histoire de fin du monde. Mais bien sûr, il ne s'agit pas de cela. La fin du monde raconte un secret de famille, un non-dit, qui reste en suspens au milieu des membres de cette famille, et qui, loin de disparaître, fermente, se désseche, mais reste là, bloqué, suspendu, piégé et piégeant tout le monde. Notre héroïne - qui ne sera jamais nommée, comme si elle n'avait pas d'identité - est prise dans ses rets sans le savoir, elle ne se débat pas, elle reste allongée sur son plancher, anesthésiée. Et puis elle retourne dans la maison de son enfance, et avec des compagnons assez particuliers - un chat et une vieille dame - elle part à la découverte. Sous l'apparence d'un voyage à la Alice au pays des merveilles, elle va découvrir son passé et ce secret. Sous des dessous d'aventure bizarre et d'un titre apocalyptique, La fin du monde raconte une aventure intérieure, une naissance. Car parfois, pour pouvoir revivre, il faut accepter de faire son deuil, et peut-être, telle la chenille qui devient papillon, accepter de mourir. Chaque fois qu'un homme meurt, c'est pour lui la fin du monde, peut-être cela peut-il donner une clé de lecture de ce titre. Histoire contenant des éléments autobiographiques, son aspect très onirique lui confère un caractère étrange, fascinant et lancinant. L'athmosphère de ce récit est particulièrement réussie. Pas étouffante, pas inquiétante, non, mais pourtant on n'en est jamais loin. Ce qui est sûr, c'est que cet album est envoûtant, et fait ressentir une palette d'émotions assez impressionnante. On en ressort des questions et des images plein la tête. Très bonne lecture. Egalement de Tirabosco et dans un genre proche : Le Colporteur.
J’aime bien le dessin de Tirabosco. Avec son trait très gras, au rendu charbonneux, qui rehausse un dessin pourtant simple. C’est efficace, et beau. Quant à l’intrigue, elle se révèle intéressante, alternant poésie, fantastique et pur roman graphique. Ça semble partir dans tous les sens, sans aller trop loin dans chacun des aspects évoqués plus haut, mais l’ensemble est équilibré. Alors que je croyais que ça allait traiter d’une sorte d’apocalypse, c’est en fait la douleur intime, les souvenirs, la construction d’une personnalité et des liens familiaux qui sont au cœur de cette histoire, plutôt chouette. Note réelle 3,5/5.
Dix ans avant Femme sauvage, Tim Tirabosco publiait « La Fin du monde », en collaboration avec Pierre Wazem au scénario, et déjà l'action de cet album se situait dans un contexte apocalyptique. A la différence qu’ici, on est davantage dans le symbolisme et l’intériorité. Le récit, assez prenant, commence par un accident. Malgré la tempête qui fait rage, un homme, accompagné de son jeune garçon, emmène son épouse à la clinique dans le but d’accoucher… Dans la forêt qu’ils traversent, un arbre s’écrase subitement sur la voiture… Quinze ans plus tard, une jeune femme, déprimée et cloîtrée dans son appartement, pense à sa mère qu’elle n’a pas connue, et dont la mort lui a été cachée. La réponse ne se trouverait-elle pas dans la chambre du haut de la maison familiale, que son père a mise sous clé depuis des années ? D’emblée, le lecteur est happé par l’étrange atmosphère de ce récit crépusculaire, où la fin du monde est annoncée, avec son lot d’inondations et de pluies diluviennes. La bichromie bleue confère une ambiance nocturne renforçant le mystère d’une narration qui nous fait constamment douter de la réalité des choses. Tout d’abord, il y a ce dialogue entre la jeune femme et sa voix intérieure, qui semble être la voix de la raison l’empêchant de sombrer dans la folie. Toujours pour lui rappeler que sa mère n’est plus de ce monde, et que la tempête en cours et cette histoire de fin du monde ne sont peut-être que le produit de son imagination… Il y a ensuite ce huis-clos réunissant les trois protagonistes (la jeune fille, la vieille dame et le chat) dans cette grande bâtisse vide, son propriétaire, père de la jeune fille, ayant dû être hospitalisé à la suite d’un infarctus. Une demeure digne d’un film d’Hitchcock, avec cette vieille dame un peu inquiétante venue y chercher refuge. Lorsque celle-ci entame une conversation avec Capsule, le chat de la maison, l’histoire basculera un peu plus dans une dimension parallèle. Car cette dame — dont l’identité et la fonction nous seront vite révélées — va pousser notre jeune héroïne à franchir la porte de cette « chambre du haut », cette pièce fermée depuis des lustres, dont la clé est perdue, mais qui semble contenir de lourds secrets… C’est un peu à son insu qu’elle comprendra que pour renaître, il est parfois nécessaire de précipiter la fin du monde que l’on connaît, d’une certaine façon de « mourir »… Bien élaboré, ce récit intimiste, empreint d’un onirisme subtil, va prendre la forme d’une quête, celle d’une jeune femme à la recherche de son passé, seul remède à sa souffrance psychique. Si on apprécie par ailleurs le dessin singulier de Tom Tirabosco et les dialogues très écrits de Pierre Wazen, on pourrait juste regretter que l’émotion, quelque peu absente, ne parvienne pas à s’imposer comme point d’orgue du récit, ce qui est un peu dommage au vu de la thématique choisie.
Voici un récit étrange concocté par notre duo suisse qui prend sa pleine mesure avec la révélation finale. A l’instar de Vanoli, le trait de Tom Tirabosco évolue . . . il est toujours aussi gras mais moins caricatural qu’un Cabinet de curiosités par exemple. Bref, il perd en personnalité ce qu’il gagne en consensualité et réalisme. Mais le travail fourni reste bien en adéquation avec l’histoire de Wazem. Une histoire qui démarre sur fond de déluge pour s’ouvrir ensuite au fantastique. Il s’agit en quelques sortes d’un cheminement intérieur pour dissiper les brumes du passé qui pèsent sur les frêles épaules d’une jeune fille en perdition. Même si le récit tarde à se lancer (pour sans doute mieux imprégner le lecteur de l’ambiance), il suit une logique implacable … Rien est laissé au hasard. C’est intelligemment amené ! Bref, du bel ouvrage que voici ! Assurément un bon one shot, à ne pas manquer !
Un récit assez étrange et atypique. La pluie à tout envahit, l'eau monte, les silures arrivent, et dans ce chaos de la fin du monde, une femme est envahit par la mélancolie. Le récit est très joliment illustré, avec un ton très sombre et pourtant pas noir. On est dans une atmosphère ouatée, l'émotion de l'héroïne envahit les pages. Le récit tend vers le fantastique, et pourtant on ne décroche pas une seconde de la réalité. Car quoi de mieux pour comprendre la réalité que le fantastique ? Des personnages apparaissent et parlent. D'abord un chat dans une maison vide, et une grand-mère qui semble savoir beaucoup. Un père et un petit garçon vont venir plus tard. Il faut parler, beaucoup parler. C'est une catharsis pour le personnage principal que de faire ce trajet. On va assister à une révélation sur ce qui s'est passé. Le récit prendra une allure de drame. Et pourtant le soleil reviendra, le jour se lèvera à nouveau. Ce récit est à la fois prenant et pourtant insaisissable au premier abord. Tout est suggéré, on se doit de comprendre par soi-même. Les relations entre les gens ne sont pas simples, les raisons des actes non plus. On ne peut pas tout comprendre. Mais au moins en savoir le plus gros. Et c'est ce que ce livre démontre. Un bien bel ouvrage, d'autant que Futuropolis fait des magnifiques impressions. La lecture est chaudement recommandée. Elle est envoutante. 4/5
J'étais curieux de lire ce livre car je trouvais sa couverture et ses pages jolies et je n'avais aucune idée de son sujet. Effectivement, le graphisme me plait bien. Je trouve une certaine naïveté au style de Tirabosco et à sa représentation des personnages. Mais cette naïveté fait aussi la place à une vraie beauté, un esthétisme qui ressort d'autant mieux dans les scènes pluvieuses de cet album. Très joli. L'histoire se lit bien, la narration est douce et fluide. J'ai cependant été circonspect pendant un bon moment. L'intrigue est mystérieuse et je n'ai pas trop accroché au personnage principal de cette fille qui se sent vide, se laisse aller et suit parfois des instincts que je ne comprenais pas. Dans une mise en scène de fin du monde, l'irruption du fantastique va lui faire vivre un petit voyage mystique qui lui expliquera la source de son vide. J'ai trouvé ça joli, plutôt bien mené, mais je n'ai été que peu touché. Les personnages ne m'ont pas paru assez attachants, leurs émotions me sont passées un peu à côté.
Futuropolis est la collection par excellence qui me plaît. Il faut dire qu'en lecteur exigeant, j'ai rarement été déçu par les titres proposés par cet Editeur hors du commun. Il y a souvent des one shot et des romans graphiques. Bref, que des choses qui me ravissent. Ce titre un rien évocateur avait une couverture assez étrange qui m'a donné envie d'en savoir plus. Oui, c'est une pure merveille que je conseille à la lecture. Beaucoup de choses justes ont été dites dans les avis précédents. Mon but étant de ne pas reproduire un concert de louanges au demeurant justifié, je voudrais juste m'attacher à un petit détail qui a emporté totalement ma conviction. Ce genre de détail qui font que cela le fait ou pas... On a une héroïne qui évolue dans un monde où le climat semble totalement déréglé. On se croirait dans le film de Roland Emmerich à savoir Le jour d'après. Il n'arrête pas de pleuvoir sur la ville où des inondations ont lieu. Le copain de notre héroïne semble affolé par la situation que les médias amplifient. Cela me rappelle d'ailleurs cette épidémie actuelle de grippe A où il n'y a pas un jour qui passe sans que cela soit évoqué à tort ou à travers. On n'entend que parler de cela jusque dans les entreprises. Les gens ont peur etc... Et au milieu de toute cette agitation de fin du monde, pour en revenir à la bd, la jeune fille s'en fout totalement. Elle passe au travers. Elle est d'ailleurs plongée dans une espèce de méditation dont elle ignore la cause. Il va y avoir une aventure extraordinaire où la mort sera même un personnage à part (dans une curieuse représentation bien trouvée). Oui, il y a quelque chose de vraiment unique et original qui semble sortir des sentiers battus par le vent de la sinistrose. A lire de toute urgence !
Cette BD est une merveille, j'ai pris une claque en la lisant. Les auteurs ne peuvent pas être plus complémentaires !!! Wazem offre un scénario sensible, émouvant et difficile mais jamais larmoyant. Il faut du temps pour comprendre le lien de la première scène choc et le reste du récit. En fait, on comprend les tenants et les aboutissants au fil de l'eau. Le récit a une part de fantastique qui permet d'adoucir ce thème qu'est la mort. Un parallèle est présent tout au long du récit entre l'épreuve que vit l'héroïne et le déluge de fin du monde. Tirabosco sublime ce superbe scénario avec un dessin expressif et personnel. Avec pour seules couleurs le bleu, le blanc et le noir, l'ambiance du récit est surnaturelle. Cette histoire est un modèle du genre et vaut le détour. Le dessin et le scénario se mettent mutuellement en valeur pour notre plus grand plaisir. Le coup de coeur du moment.
Il est des œuvres qui vous font aimer l’automne, quand elles vous plongent dans une mélancolie conjuguée d‘optimisme. Cette sensation seconde, entre éveil et sommeil, où chaque période de pluie se mue en un ravissant andante, en une délicieuse attente de cet instant, quand le ciel se gorgera de soleil. La fin du monde m’abandonne dans cet état là. Sa longue métaphore, à l’orée du conte, est d’une langueur à la fois soyeuse et lancinante. Par l’exploration subtile du repli sur soi de l’héroïne, on pénètre d’abord sur la pointe des pieds dans une sorte de journal intime. Spectateur de ses monologues intérieurs, de ses états d’âme, reflets d’une crise existentielle qui agit comme autant d’étaux psychologiques ou physiques, on reste immobile par peur de déranger. Puis, en empruntant les chemins mystérieux d’une fable onirique hantée de personnages singuliers, on devient le compagnon de son errance. Une quête identitaire, une recherche de réponses qui pourraient expliquer l’absence de cette mère et combler son vide affectif. On effleure souvent ses douleurs profondes, on partage quelquefois ses angoisses muettes, et malgré l’atmosphère pesante et inquiétante, on se sent habité d’une étrange confiance. C’est tout l’art de Wazem pour l’allégorie qui s’exprime ici. Une patte, une façon d’éviter le sentiment facile, de faire passer l’émotion tout en suggestions et en demi-teintes, d’installer une ambiance fantastique et sombre où l’on entrevoit l’espoir en filigrane. Par bien des aspects, cette poésie toute personnelle me rappelle un Koma dont le côté optimiste était exacerbé par le trait enjoué de Peeters. L’approche de Tirabosco l’est beaucoup moins. Un graphisme qu’il faudra apprivoiser. Au-delà d’une beauté glacée (admirez ces dessins pleine page), ce bleu profond et ce noir, contrastant avec un blanc pastel froid, confèrent une impression étrange et dépaysante. Un théâtre surnaturel qui, s’il affirme la perspective surréaliste du récit, lui confère paradoxalement un sentiment d’inéluctabilité qui ramène violemment les pieds sur terre. Un bémol à l’approche parabolique du scénario, un contrepoids nécessaire. Une magnifique fleur de saison où vous adorerez égarer votre bourdon.
Très bel album. A tous points de vue. En effet les Editions Futuropolis ont soigné la maquette, offrant un objet vraiment très beau, très agréable à manier. La beauté est présente également dans le dessin, Tirabosco étant, je le pense, arrivé à maturité, au sommet de son art. Il est difficile de décrire son dessin, tout en bichromie et carte à gratter (je crois). C'est de la bichromie, mais l'utilisation des ombres, des expressions, des reflets est portée de façon exceptionnelle. La beauté est présente également dans l'histoire. La beauté de la mort, envoûtante, sage, séduisante, bienveillante. Une histoire universelle, tout simplement touchante, qui nous emmène au coeur de l'intime (si si, je vous assure, c'est possible). Avec une touche de fantastique pour amener le thème de la mort de façon subtile, c'est vraiment réussi. D'ores et déjà un classique.
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