Légendes des Méga-cités (Judge Dredd)
Dans une Amérique futuriste et fasciste, l'ordre est maintenu par les Juges, qui concentrent tous les pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire – leur leitmotiv est I am the law, « je suis la loi ». À bord de leurs motos, ils sillonnent les mégalopoles en faisant régner (et en appliquant) la justice de manière expéditive.
2000 AD Auteurs britanniques Les petits éditeurs indépendants
Le Juge Dredd est un juge de Mega-City One. C'est le meilleur d'entre eux. Représentant symboliquement la justice dans ce comic, le visage de Dredd n'apparaît jamais. L'univers sombre et violent de la série dépeint un monde de violence et de haine. La Terre n'est plus que ruines et désolation (un désert totalement inhabitable où règnent en maîtres bandits irradiés et mutants cannibales), suite à plusieurs conflits atomiques successifs. La majeure partie de la population survivante s'entasse dans des mégalopoles futuristes, elles-mêmes surpeuplées de bandits, escrocs et criminels de la pire espèce. La police ayant été éradiquée, un ordre nouveau a jailli de cet amas pourrissant de violence : les Juges. Ils représentent l'ordre dans le chaos des villes et sont à la fois juges, jurés, et bourreaux, appliquant l'adage « la violence contre la violence ». Les Juges se veulent impitoyables et n'hésitent pas à tuer toute personne en infraction, en vertu de la loi fascisante qui a cours. Cette série BD regroupe 4 histoires indépendantes réalisées par des scénaristes et dessinateurs différentes à l'instar de Garth Ennis ou encore Mark Millar.
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Date de parution | Mai 1993 |
Statut histoire | Une histoire par tome 4 tomes parus |
Les avis
Citoyen dans la ville police de Megacity One - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante, en couleurs, se déroulant à Mega-City-One dans l'univers partagé du Judge Dredd qui fait plusieurs apparitions. Elle est parue initialement en 1990, dans "Judge Dredd Megazine" 1.01 à 1.07, écrite par John Wagner, l'un des scénaristes historique de Judge Dredd, et dessinée et peinte par Colin MacNeil (qui a continué à illustrer des histoires de Dredd comme Fourth faction). L'histoire s'ouvre sur 2 illustrations pleine page : Judge Dredd marche sur un drapeau américain ensanglanté dans la première, drapeau qui recouvre un cadavre (deuxième image). En même temps les cases de texte contiennent le flux de pensée de Dredd s'achevant par une maxime dont il a le secret : la Justice a un prix ; ce prix, c'est la liberté. le ton est donné : il s'agit d'une tragédie. La cellule d'après indique qu'il s'agit d'une histoire d'amour. Elle est racontée du point de vue de Bennett Beeny, un fils d'immigrant, jeune enfant lorsqu'il assiste à la naissance d'America Jara (son amour d'enfance) que son père prénomme ainsi en l'honneur de la nation qui l'a accueilli en tant qu'immigrant. Bennett raconte dans quelles circonstances il a pris conscience pour la première fois de l'existence des juges, et en quoi sa réaction a été fondamentalement différente de celle d'America. En grandissant, Bennett et America ont choisi des voies différentes dans la société. En 1990, la probabilité de voir Judge Dredd adapté en film se rapproche de plus en plus et les responsables éditoriaux estiment que le temps est venu qu'il dispose de son propre magazine. Dans l'introduction, John Wagner explique qu'il avait été choisi pour écrire l'histoire principale de ce magazine qui devait avoir un ton plus "adulte" ou "mature" que 2000AD. Il explique également que contrairement à son habitude de travail, America est un scénario qu'il a composé dans le détail du début jusqu'à la fin (par opposition à son habitude se laisser porter dans une autre direction au fur et à mesure de l'écriture complète du scénario). Il ajoute qu'il s'agit de l'une de ses histoires préférées de Judge Dredd. À la lecture, il apparaît que Dredd n'est pas le personnage principal, mais plus l'incarnation du système judiciaire totalitaire de ce futur. le personnage principal est bien ce jeune homme timide Bennett Beeny (qui ne se transforme pas en superhéros dans le courant de l'histoire). John Wagner met en scène 2 individus attachés par de forts liens affectifs qui prennent des chemins différents dans la vie, entre l'un qui refuse de plier sous le joug de ce système aliénant, et l'autre qui connaît la réussite à l'américaine. Il transforme cette histoire d'amour en une métaphore sur le cauchemar sécuritaire. Si le premier rôle féminin s'appelle America, Wagner se garde bien d'en faire l'incarnation de l'Amérique. Il a même le bon goût de ne pas abuser des phrases à double sens jouant sur le mot America pour désigner le personnage, où le lecteur pourrait comprendre qu'il parle du pays. Tout en finesse, Wagner ne donne pas non plus de leçon. Bennett Beeny est un individu attachant dans sa normalité, sympathique dans sa réussite sociale et le contentement qui en découle. Mais il n'en devient pas un héros à proprement parler car pour le lecteur de 2000AD America serait plutôt l'héroïne en refusant l'ordre établi. Mais là aussi, Wagner parvient à introduire un degré de complexité dans le personnage qui évite qu'elle ne se transforme en une rebelle romantique. John Wagner emmène le lecteur dans une tragédie qui s'émancipe de la dichotomie bien / mal pour une vision plus amère et plus réaliste des individus. La qualité du récit doit également beaucoup aux illustrations de Colin MacNeil. Les 2 premières pleines pages en contreplongée montrent un Judge Dredd sinistre et écrasant, comme la justice cinglante qu'il incarne. le choix des couleurs se révèle étonnant et personnel combinant du jaune vif avec des teintes plus sombres. Tout du long du récit, le lecteur va découvrir des illustrations qui semblent passer d'un registre à un autre, sans transition progressive. Ainsi l'image d'après montre une vue du ciel d'un petit quartier de Mega-City-One avec des couleurs très sombres, et des formes détourées par des lignes de couleurs claires. La scène d'après est plongée dans les tons orange, la suivante commençant sur la même page dans des tons violet. le contraste est saisissant. Pour la scène suivante, MacNeil utilise les couleurs pour transcrire celles de la réalité de manière naturelle. Puis arrive un autre dessin pleine page aux couleurs acidulées de l'enfance, pour un tableau terrible d'un juge impressionnant un jeune enfant, à vie, pour qu'il se tienne tranquille dans la peur des juges. Ce dessin est à la fois comique du fait des couleurs vives, et terrible du fait du traumatisme psychologique infligé sciemment. L'histoire s'achève sur une autre pleine page : le casque d'un juge en très gros plan formant presque une composition conceptuelle si elle était sortie de son contexte, à nouveau avec une composition chromatique provocatrice très réussie. La force graphique de cette histoire en 62 pages ne se limite pas à des compositions chromatiques pleines de personnalité. MacNeil s'avère aussi convaincant qu'il dessine de jeunes enfants, une cité futuriste, ou les silhouettes imposantes intimidantes des juges. Il adapte sa composition de page en fonction du récit passant sans coup férir d'une illustration pleine page, à une page comportant 15 cases dans un montage haché rendant compte de la violence et de la rapidité de l'action. À l'issue de ces 62 pages, le lecteur a la sensation d'avoir lu un roman complet du fait de la densité narrative qui pourtant passe toute seule, sans surcharge d'information dans les textes ou dans les images. America est une histoire à part dans la mythologie de Judge Dredd. Elle constitue un drame très humain face à une société normalisatrice qui ne supporte pas les écarts ou les divergences d'opinion. Elle se suffit à elle-même et forme un récit poignant sur les relations humaines, et les ambitions ou convictions de l'individu, avec des images qui restent longtemps en mémoire, tout en étant entièrement au service de la narration. Exceptionnel, indispensable.
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