Jolies ténèbres

Note: 3.31/5
(3.31/5 pour 35 avis)

Diagonale 2009 : prix du meilleur album. Dans les champs, au printemps, une fillette gît, inerte. Est-elle morte ? Qui l'a tuée ? On n'en saura pas plus. De ci, de là, une minuscule communauté surgit, comme échappée de contes de fées : Aurore, mais aussi l'Orgueilleuse, la Régressive, l'Aventurière, le Prince m'as-tu vu...


Contes funèbres Fabien Vehlmann Petit peuple Prix Diagonale/Victor-Rossel

Dans les champs, au printemps, une fillette gît, inerte. Est-elle morte ? Qui l'a tuée ? On n'en saura pas plus. De ci, de là, une minuscule communauté surgit, comme échappée de contes de fées : Aurore, mais aussi l'Orgueilleuse, la Régressive, l'Aventurière, le Prince m'as-tu vu... Les saisons passent et Aurore, la presque princesse, s'agite toujours pour son petit monde, qu'elle voudrait merveilleux, pour accorder cette improbable assemblée à la nature et aux bêtes qui les entourent. Jusqu'à ce jour d'hiver, où elle devra faire face à un choix amer...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 06 Mars 2009
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Jolies ténèbres © Dupuis 2009
Les notes
Note: 3.31/5
(3.31/5 pour 35 avis)
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02/03/2009 | Ro
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L'avatar du posteur Noirdésir

Le titre de cet album est on ne peut plus judicieux, et explicite, tant il réunit les deux « ambiances » vers lesquelles tend l’histoire. En effet, dans une sorte d’oxymore narratif, les auteurs mêlent – quasiment à chaque page – une histoire de conte de fées ou de poupée qui pourrait friser la bluette, à des passages violents, noirs, ceux-ci intervenant de façon abrupte, sans que l’on puisse forcément les voir venir, et sans que cela ne perturbe cette narration fluide et légère. Ces soubresauts, ces hoquets, qui crispent le sourire presque béat de l’intrigue principale (basée sur un fantastique assez doux et classique), apportent presque un aspect comique parfois. Le décalage brutal entre le côté fleur bleue et insouciant de la plupart des personnages, et la disparition brutale de la plupart d’entre eux – mais aussi par rapport à certaines images marquantes, morbides (par exemple la fenêtre qui se révèle être l’orbite vide de l’œil absent d’un cadavre) est original et quelque peu perturbant. Et cela se poursuit jusqu’à la fin qui, toute en sérénité, comme la fin de n’importe quel conte, suit pourtant l’ultime massacre perpétué par l’héroïne qui, par sa naïveté, avait vainement tenté de faire fonctionner le monde hétéroclite créé par les auteurs. Ajoutons que le dessin, lui aussi léger, accentue les deux aspects : de jolies images traversées par des éclairs de cruauté.

20/01/2021 (modifier)
Par Superjé
Note: 5/5 Coups de coeur expiré

Wouaaaah !!!... Une BD qui nous retourne. De la couverture à la toute dernière page, cette BD est déjà en soit un très belle objet...Un album solide et une des plus belle couverture que j'ai jamais vu, sobre, intrigante, attirante mystique... Mais on ouvrant la BD, je ne connaissais toujours pas son thème. Ce qui m'a d'abord frappé (en crescendo dans l'album quand même), c'est le dessin, le contraste entre ces petits personnages mignons, plein de belles couleurs, digne des meilleurs livres illustrés, rempli d'une gaieté pastel, et ces décors, les animaux et les humains représentés (vivants ou non) qui sont d'une grande qualité et force graphique, d'un réalisme rare, avec des couleurs (je dirais de l'aquarelle) incroyablement belles... Il y a une grande recherche...les cases sont loin d'être brouillonnes. Je connaissais que peu le travail des Kerascoët (à vrai dire je ne leur savais pas une telle maîtrise pour dépeindre les animaux et la nature avec tant de réalisme) qui est un peu dans la veine des auteurs du style Lucie Durbiano ou autres, mais grâce à cet album, ils font désormais parties de mes dessinateurs préférés : "Jolies Ténèbres" ? Assurément dans mon top 5 des plus belles BDs que j'ai pu lire... Et ce scénario... C'est sûrement le plus morbide que j'ai pu lire en BD... Tout commence lorsque une ribambelle de petits personnages sortent du cadavre encore chaud d'une petit fille qui vient de décéder.... Je me plais à imaginer que ces personnages sont la partie invisible de cette fille... L'âme ou l'esprit, le caractère, ses émotions, ses états-d'âmes, ses sentiments, sa mémoire... Tout ce qui est stocké dans notre cerveau. C'est assez trash comme introduction (du moins moi je n'ai jamais vu ça). Et l'on va suivre toute cette marmaille qui va organiser une petite communauté en essayant de survivre (ce qu'ils n'y arrivent pas) avec leur insouciance. Et c'est là que l'horreur s'installe...En crescendo bien sûr ! On est que très rarement confronté à la mort, tout d'abord, on y fait allusion ("-Non, les champignons on a dit qu'on arrêtait ! Il y en a qui sont VE-NE-NEUX. - Ah oui, c'est vrai... Pauvres Joséphine, Margot et Agathe, je les aimais bien.") Au début, je trouvais ça assez drôle (le décalage entre le dessin mignon et les thèmes abordés, y était je pense, pour beaucoup), mais plus j'avançais dans la BD, plus j'avais des espèces de hauts-le-cœur... Combien de fois me suis-je écrié "C'est vraiment dégueulasse ?" Contrairement à pas mal d'autres posteurs, je me suis pas posé trop de questions : "Pourquoi est-elle morte ? Qui est cet homme ? Son meurtrier ? Son père ? A-t-il un rapport avec elle ?" Non, je me suis juste laisser bercer par les sentiments (généralement de dégout) que m'a inspiré la BD. J'en est arrivé à détester certains personnages ( Plim, Zélie... En général j'avais du mal à associer un caractère aux personnages vu qu'ils étaient tous des monstres : d'ignorance, d'orgueil, de gourmandise etc...). J'ai juste trouvé le final légèrement plus léger que le reste de l'album, qui était très dense. Bref, une excellente BD, morbide à fond (voir l'état d'avancement de la décomposition est assez dégoutant), avec un scénario assez bien construit, drôle et écœurant à la fois (on offre toute notre compassion à la pauvre Aurore), avec un dessin vraiment, magnifique... Je vous la conseille... A vos risques et périls !

12/12/2010 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Ce qui m’a attiré au premier abord, c’est la couverture, que je trouve somptueuse. L’ouvrage est également très soigné et les planches agréablement coloriées, ce qui fournit au moins un argument en faveur de l’achat. Ce qui frappe ici dès les premières pages, c’est le contraste entre le graphisme enfantin des personnages et la radicalité du propos. D’emblée, le malaise s’installe à la vue du cadavre de la fillette et de toutes ces petites créatures orphelines qui semblent en sortir, sans se poser la question sur leur situation. Tels des naufragés débarqués dans un monde inconnu et trop grand pour elles, elles vont pourtant s’adapter avec une facilité incroyable, mais toujours dans l’improvisation et hors de toute rationalité. Toutes ont une personnalité différente mais agissent avec l’innocence de l’enfance, capables de commettre en toute insouciance les actes les plus cruels, inconscientes de leur portée. Spectateur de cette micro-société en formation qui produira ses lois et ses chefs, notre œil d’adulte est souvent interloqué, fasciné... Un peu comme si l’on observait une immense cour d’école sans surveillant, sans pouvoir d’intervention aucun, l’histoire se déroulant au rythme incohérent des humeurs de ces lutins diaboliques, avec souvent des épisodes monstrueux. Et du coup, on ne sait plus ce qui nous met le plus mal à l’aise dans ce conte étrange : le cadavre en décomposition de la fillette ou le comportement brutal des enfants livrés à eux-mêmes qui pourraient presque être humains, abstraction faite de leur taille ? C’est peut-être à cet effet que les auteurs nous rappellent, avec quelques références bien placées (Peau d’âne notamment) que les contes pour enfants comportent plus ou moins leur part d’immoralité et de cruauté. Cette histoire absolument pas banale se lit très vite, presque trop vite. J’aurais apprécié un récit plus long, plus élaboré, et du coup, je suis resté un peu sur ma faim. Peut-être faut-il considérer cela non pas comme une œuvre « sérieuse », juste comme une comptine légère et morbide distillant sa petite musique lancinante qui ne s’oublie pas si vite... OVNI graphique sulfureux, ces « Jolies Ténèbres » charment autant qu’elles révulsent, mais en tous cas ne laisseront personne indifférent. En tout état de cause, nul ne pourra nier l’originalité et l’audace à partir d’une base narrative aussi risquée...

09/06/2009 (modifier)
Par herve
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Voici une bande dessinée que j'ai lue et relue trois fois depuis son achat, et sur laquelle j'ai du mal à m'exprimer tant le sujet est fort. C'est en effet une véritable claque, une bombe évidement à ne pas mettre entre toutes les mains. L'objet éditorial en lui-même est superbe : une belle jaquette représentant une scène champêtre voire bucolique : une petite fille dort dans l'herbe ! Que nenni, Fabien Velhmann et Marie Pommepuy nous ont concocté un conte macabre, cruel, parfois gore, sordide et..., bon j'arrête là les adjectifs tant on sort dégouté de cette histoire, même complètement retourné tant le décalage est fort entre le dessin (presque de l'illustration de livre d'enfant) et la cruauté du récit. Le scénario n'explique pas tout, et c'est d'ailleurs une volonté des auteurs. Qu'est-il arrivé à cette fillette, qui est l'homme habitant la forêt (son père, son assassin, un quidam ?), qui sont ces étranges créatures sorties du corps d'Aurore (pour ma part, je pense qu'il s'agit de la production de son cerveau, de ces histoires que se racontent les petites filles... mais cela n'engage que moi) ? Mais c'est au lecteur d'imaginer le passé et la suite de cette aventure. Un récit qui, au fil des saisons et de la décomposition du corps (tiens cela me fait songer au poème de Baudelaire intitulé Une charogne, lisez-le, vous verrez) nous met mal à l'aise, voire nous répugne mais bon sang que c'est réussi ! Une excellente bande dessinée, L'évènement de ce trimestre.

22/03/2009 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Connaissez-vous Sa majesté des mouches ? Il s’agit d’un roman écrit par l’Anglais William Golding en 1954. Un avion transportant des enfants issus de la haute société anglaise se crashe près d’une île déserte. Tous les adultes périssent, et les enfants tentent de s’organiser. Mais très vite ils retournent à un état sauvage, sans retour. Considéré comme une œuvre pour enfants, la violence de l’histoire est pourtant manifeste, et il s’agit d’un classique de la littérature traitant en fait de la fragilité de la civilisation. C’est un peu à cette œuvre (que je vous recommande) que m’a fait penser « Jolies ténèbres ». On se retrouve dans une microsociété privée d’adultes, et du coup les enfants se retrouvent dans des schémas primaires, jusqu’à sombrer dans la barbarie la plus extrême. Dans une telle société les personnes ayant des troubles psychologiques ne sont plus aidées, et deviennent soit des parias, soit des dominants. Fabien Vehlmann aime bien ce genre de situation, puisqu’il l’exploite également dans sa bonne série Seuls, sur un traitement nettement différent toutefois. Ici il a développé une idée originale de Marie Pommepuy et l’a poussée assez loin (peut-être pas jusqu’au paroxysme, mais assez loin quand même). Le regard porté sur Aurore et ses compagnons est celui d’un sociologue, on pourrait même parler d’entomologie eu égard à la taille des protagonistes. Ici le décalage est renforcé par le dessin des Kerascoët, un côté assez enfantin face à la violence inhérente et suggérée (parfois montrée) du propos. Il ne faut surtout pas croire que parce que le scénariste a écrit cette histoire, il est un sociopathe à tendances meurtrières, ce serait lui faire un mauvais procès… Non, il est juste parti d’une situation donnée et a tenté d’explorer un grand nombre de saynètes découlant de cette situation. Bien qu’il ne soit pas réellement découpé en petits chapitres, c’est ainsi que se présente ce one-shot. Au-delà du dégoût, de la répulsion que nous évoquent ces scènes, il convient en effet de prendre du recul. Bien sûr, cela peut réveiller des échos dans notre enfance. Certains d'entre nous ont peut-être eu la tentation d'arracher des pattes à des mouches, de manger des fourmis... Cela prouve une chose : ces situations, d’apparence grotesque, ne sont pas impossibles. L’Homme naît-il naturellement bon ? Oui, nous a enseigné Jean-Jacques Rousseau dans nos cours de philo au lycée. Au regard de ces œuvres, mais aussi de beaucoup de choses se passant dans le monde, on est réellement près d’affirmer exactement le contraire. Car l’Homme, laissé à lui-même, pourrait redevenir un animal, guidé par son instinct, sa rancœur ou son ambition. Le décalage est aussi présent dans le titre. « Jolies » relève du champ sémantique joyeux, appréciatif, alors que « ténèbres » laisse penser qu’il y a des choses sombres, inavouables dans l’album. Le titre est bien choisi, puisqu’après l’entame étrange, les tentatives « gentilles » d’Aurore pour instaurer une microsociété basée sur l’entraide et la bienveillance tombent toutes à plat, face aux caractères et aux ambitions de ses compagnons. Voilà pour une première analyse à tiroirs. [SPOILERS] Du côté de l’histoire proprement dite, il y a plusieurs questionnements qui viennent à l’esprit pendant ou après la lecture. Comment la petite fille est-elle morte ? Pourquoi personne ne la trouve pendant le long moment où se déroule le récit ? L’homme qui se balade à proximité et vit dans une maison proche est-il lié à cette petite fille ? Est-il son assassin, son père ? Remarquons que dans une case, son lit comporte deux oreillers, un grand et un petit. Qui sont tous ces enfants ? On ne le saura jamais vraiment, mais la façon dont ils apparaissent à Aurore laisse à penser qu’ils sont tous, elle comprise, des morceaux de l’âme d’Aurore, la petite fille morte. Celle qui se fait appeler ainsi ne serait peut-être que la fraction « raisonnée » de son esprit, les autres une partie des penchants naturels de l’âme humaine, suivant la théorie que j’ai développée sans talent au-dessus. Ces différentes facettes disparaissent les unes après les autres, à mesure que l’âme humaine s’échappe (meurt ?) du corps sans vie d’Aurore. Je n’ai pas d’interprétation pour la scène finale, Aurore restant seule face à l’homme sans nom. La dernière réplique trouve peut-être son écho dans la relation (pas claire) entre la petite fille morte et l’homme. C’est une interprétation possible, mais il y en a certainement d’autres. Le talent du scénariste est aussi de laisser la porte ouverte à l’interprétation, de montrer qu’il n’y a pas forcément une seule explication possible, mais autant qu’il y a de lecteurs. C’est une orientation qu’a prise Régis Loisel dans Peter Pan, une orientation qui n’a pas fini de faire jaser ; c’est le propre, selon moi, des œuvres de valeur. Autre point commun entre les deux œuvres, le regard de l’héroïne. Je n’oublierai jamais celui de Clochette, affiché en couverture du tome 6 de Peter Pan, un regard que recèle beaucoup de noirceur. Ce regard, Aurore l’affiche aussi dans la dernière partie de Jolies ténèbres, lorsqu’elle devient une exécutrice au sang froid. Ça donne des frissons. [FIN SPOILERS] Au final, il faut vraiment, à mon humble avis, se détacher des contingences civilisationnelles pour vraiment apprécier Jolies ténèbres. Elle mérite d'ailleurs au moins deux lectures successives, et probablement une troisième une fois ces deux premières digérées. Si l’on ne s’attache qu’aux actes, c’est une œuvre gore, à la limite du soutenable, on a envie de venir chercher ces enfants pour les ramener dans un cadre structuré. Car ces enfants sont condamnés à brève échéance, tous. Pour toutes ces raisons, "Jolies ténèbres" est une œuvre forte, qui ne laissera de toute façon pas indifférent, et c’est dans la polémique qu’elle soulève qu’elle révèle sa véritable profondeur. Et son véritable intérêt. Bien sûr, ce n’est pas une bande dessinée à mettre entre toutes les mains.

20/03/2009 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur PAco

"La vérité sort de la bouche des enfants" dit-on... une vérité bien cruelle ici, et c'est peu dire, qui sort du cadavre de cette fillette ! Si la couverture (sublime !) résume parfaitement le contraste permanent que va nous proposer "Jolies Ténèbres", la dureté et la cruauté des personnages ne se révèleront que progressivement pour nous pousser très loin psychologiquement. Et c'est là la force de cette BD, à mon sens, qui sous ses côtés bon-enfant, et son trait "album jeunesse", nous narre la cruauté simple et implacable dont nos têtes blondes sont parfois capable. Cette ribambelle de prince, princesses, ballerines et autres créatures issues de l'imaginaire enfantin disparaît progressivement de l'histoire de façon plus ou moins dramatique et impromptue, comme un collier de perles qu'on égrainerait au dessus d'une bouche d'égout, les regrets en moins... Car ce qui est le plus dérangeant, c'est justement, cette manière si propre aux enfants de passer à autre chose, sans s'arrêter sur le drame qui vient de se produire... d'autant plus qu'on en est responsable et/ou l'instigateur ! ça vous laisse comme un léger frisson dans le dos... Graphiquement, j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal avec le style de Kerascoët avant de comprendre vraiment de quoi il en retournait. Une fois passé le prologue et cette pleine page (saisissante !) juste avant la page de titre, tout se tient et se justifie. Le contraste affiché entre le fond et la forme nous tient suspendu et moitié hagard jusqu'au bout de cet opus. Les couleurs sont magnifiques, contrastées à souhait, d'une chaleur ou glaciales suivant les ambiances voulues : bravo ! il n'est qu'à voir le travail de la couverture pour en prendre pleinement la mesure ! Attention donc à ne pas laisser cette BD entre toutes les mains, car elle en dérangera plus d'un ! Mais si vous avez l'estomac bien accroché et/ou plutôt l'esprit serein attaquez vous sans plus tarder à cette BD qui ne pourra pas vous laisser de marbre (avec ou sans épitaphe...)

18/03/2009 (modifier)
Par Ems
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Quel contraste entre la forme et le fond sur cette BD !!! Le dessin semble s'adresser aux plus jeunes et pourtant le propos traite des sujets bien plus adultes. La force des auteurs en la matière est de nous faire réfléchir car les actes des protagonistes ne sont pas anodins. L'ensemble fonctionne en osmose, ce conte funeste se lit facilement d'une traite sans que l'histoire ne devienne opaque. Malgré le contenu, je n'ai pas eu de mal à digérer ce one-shot. Il y a une sorte de morale en arrière plan qui ferait le listing des accidents domestiques qui pourraient nuire à nos enfants. Rien ne semble lancer au hasard, plusieurs lectures permettront peut être de voir apparaitre d'autres sujets ou notions. Le bilan est excellent, mais il vaut mieux savoir où l'on met les pieds avant d'entamer cette BD qui n'est en aucun cas destinée aux âmes sensibles.

10/03/2009 (modifier)
Par JJJ
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Depuis que j'ai eu vent de l'existence de Jolies Ténèbres, depuis que j'ai vu la beauté de cette couverture, mon envie de lire cette BD au titre si joli était très forte. Je l'ai lue, avec fébrilité je l'ai enfin lue. Dire que cette histoire commence par un charmant goûter... Cette BD est aussi touchante que déroutante. Jolies Ténèbres emprunte des voies inhabituelles pour nous conter ces "gamineries" tantôt cruelles, tantôt insouciantes, parfois tendres... Parfois féérique, parfois horrible, cette histoire capture le lecteur des le début pour ne plus jamais le lâcher. Lecture intrigante, Jolies Ténèbres ne donne jamais de réponses, ne justifie jamais les actes de ses personnages. Comme si elle était un enfant malicieux, cette BD s'affranchit de codes et de règles narratives trop classiques et s'apprécie tout simplement. Qu'il est bon de se laisser porter, de ne pas avoir d'explications, d'imaginer, de rêver, de constater avec horreur qu'une histoire d'enfant effraie autant des yeux d'adultes. Qu'il est bon de voir ces êtres primesautiers évoluer au milieu de créatures fantastiques que sont les animaux de nos forêts. Ces petits êtres qui vivent et s’amusent, étrangers à ces notions que sont le « bien » et le « mal » que l’on apprend en devenant un grand. Qu'ils soient bons ou mauvais, ils reflètent tous une petite part de l'enfant que chacun a été un jour. Quant aux illustrations de (des) Kerascoët, elles sont très belles. Les planches sont emplies d'une flore et d'une faune enchanteresses, les cases fourmillent de détails. Beaucoup de soin a également été porté aux personnages, les « enfants » sont représentés avec de doux traits, comme si on était dans un monde rêvé. D’ailleurs le contraste avec un personnage qu’ils rencontrent à un moment donné n’en est que plus saisissant, ce dernier est dépeint de façon bien plus réaliste, comme si les enfants le voyaient autrement. J’ai adoré les dessins. Acceptez de prendre le risque, de lire un livre différent, vous ne serez pas déçus. Qu'elles sont jolies ces ténèbres... JJJ

09/03/2009 (modifier)

Tout d'abord, ce qui frappe c'est la beauté de la couverture : jaquette souple et couverture cartonnée sont toutes deux magnifiques. Puis on feuillette, et on est subjugué par les dessins et la mise en couleurs, quelque part entre livres pour enfants et tableaux de peintures. C'est saisissant et réellement beau (enfin, à mes yeux, bien sûr). Certains pourront trouver certaines cases un peu brouillonnes, mais j'avoue trouver le rendu particulièrement réussi. Concernant l'histoire, elle est à réserver aux adultes, à ceux qui apprécient les contes cruels, un peu gores par moment, foncièrement noirs. Bref, tout ce qui tranche avec le paragraphe juste au dessus............ On commence avec le cadavre d'une petite fille (on ne sait pas ce qui lui est arrivé), qui semble perdu en forêt. En sortent tout un tas de petits êtres, symbolisant la mémoire, les pensées, les rêves, les aspirations d'une petite fille de 7/8 ans. Ils prennent donc vie et vont vivre leurs propres aventures, souvent très cruelles, sans bien distinguer Bien et Mal, comme le ferait un petit enfant qui apprend la Vie, mais en bien pire en fait. Au gré de 96 pages, le lecteur suit donc ces vies souvent éphémères, toujours insouciantes, parfois vengeresses. C'est du bon "sharklage" en règles sous un air d'historiettes toutes mimi... et tout va bien évidemment crescendo jusqu'à la fin... logique. Une lecture que je recommande chaudement, mais à mettre bien en haut des étagères, hors de portée des têtes blondes.

09/03/2009 (modifier)
Par Ro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Ro

Imaginez une petite fille morte, son corps d'écolière oublié et gisant au coeur d'une forêt. Imaginez alors que tous les petits personnages qui peuplaient son esprit et son imaginaire s'en échappent, fées, ballerines, poupées et autres princesses. Tout ce petit monde, insouciant et désemparé, va alors tenter de vivre autour, voire à l'intérieur, du cadavre bientôt en décomposition. Un petit peuple de conte de fées côtoyant la mort et la pourriture, voilà qui entame le récit sur une note bien morbide et étonnante. Mais ce n'est là que le début d'une fable largement plus cruelle. Sa Majesté des mouches est enfoncé. Jolies ténèbres fait exploser la douceur et l'insouciance des rêves d'enfant, de petites filles, pour afficher la dureté de la réalité et plus encore la cruauté des personnages enfantins. Car bien rapidement, la vie de cette communauté de petits personnages va se transformer en véritable jeu de massacre. La naïveté va être la première cause des disparitions, dans cet univers naturel où les dangers et les prédateurs rôdent un peu partout. Mais ce seront surtout les comportements de chacun d'entre eux qui vont entrainer les pires atrocités. Egoïsme, inconscience, orgueil, méchanceté, fainéantise, régression, peur, manque d'assurance... Sous des aspects enfantins, ce récit est incroyablement dur. Les morts sont plus cruelles et horribles les unes que les autres, d'autant plus marquantes qu'elle se masquent sous des allures d'amusement d'enfants, de recherche de nourriture ou de découvertes insouciantes et souriantes de la nature environnante. Certains petits personnages, aux traits de princesses ou de gentils garçons, se révèlent de véritables monstres. C'en est parfois à vous retourner le coeur. Le pire étant l'indifférence souriante de ceux qui voient mourir leurs comparses dans d'atroces situations sans réagir. Le graphisme joue précisément la carte du contraste entre un style simplifié, assez enfantin, servi par de très jolies couleurs, comparé à l'horreur de ce qu'il raconte. Je regrette cependant le manque de détail du trait des Kerascoët sur la majorité des pages. Seuls les décors et certains animaux sont joliment ouvragés et peints. Les Kerascoët prouvent pourtant dans une double page de cet album qu'ils sont capables d'un style nettement plus soigné et réaliste. La narration est parfaitement orchestrée. Elle se déroule avec une fausse insouciance enfantine. Le récit est dense et l'album très conséquent. Les auteurs ont su savamment doser la progression dans l'horreur, par touches de plus en plus saisissantes pour les lecteurs. Cela frise l'accumulation sans jamais l'atteindre pour de bon. Et tandis que les émotions se font de plus en plus noires, la fin vient donner le coup de grâce vengeur attendu depuis de nombreuses pages. Voilà une oeuvre vraiment très forte. Elle est puissante par son contraste entre horreur et imaginaire enfantin. Elle est belle et très dérangeante à la fois. Une lecture marquante, suffisamment saisissante pour pouvoir créer soit un rejet soit un envoûtement total. Un vrai coup au ventre en ce qui me concerne, et un album possiblement culte. Vive recommandation de ma part mais sachez que vous risquez de ne pas en sortir indemne.

02/03/2009 (modifier)