Blanc Casque
L'histoire 'vraie' d'un immigrant venu s'installer au Canada.
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Adaptations de romans en BD Canada Jijé Journal Spirou Les petits éditeurs indépendants
Un jour, un polonais en a marre d'être exploité et il quitte son pays pour l'Amérique. Il finit par atterrir dans l'ouest canadien et il y passe une vie tranquille. Malheureusement, il a un penchant pour l'alcool et un jour il fait quelque chose de grave qui changera sa vie.
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Date de parution | Janvier 1956 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
"Récit inspiré d'une histoire vraie", ce "Blanc Casque" est avant tout l'adaptation d'un roman de Jules-Joseph Pirot (1877-1955), écrivain et missionnaire belge de langue wallonne. Devenu missionnaire au Canada, il a écrit plusieurs romans, dont ce Blanc Casque sur le couple Choumak qui émigra de Hongrie pour s'établir dans l'Ouest américain, à l'époque des pionniers. Nous voilà donc dans un pays en paix, en cours d'évangélisation, avec des populations diverses (Amérindiens, Canadiens français, Canadiens anglophones, Russes émigrés...) qui semblent s'entendre à merveille. Je ne suis pas sûr que ce tableau corresponde à la réalité de la fin du XIXème siècle, même si certains éléments (Indiens poussés vers les réserves, ravages de l'alcool sur leur population) sont seulement effleurés. Et je ne suis pas sûr que la parole d'un missionnaire belge (tiens donc), fût-il particulièrement doué pour la rhétorique et la diplomatie, eût pu régler aussi facilement l'affaire sordide dans laquelle ce Jean Choumak s'est mis tout seul... Il est plus probable que Pirot se soit inspiré d'une ou plusieurs histoires similaires, et qu'il ait choisi de donner le beau rôle à son alter ego de papier. Ces considérations réglées, parlons de cette adaptation, réalisée par Jijé, grand nom de la BD franco-belge d'alors (1956) pour l'hebdomadaire Moustique. C'est assez facile à suivre, l'histoire est linéaire, sans grande surprise, même si le pétage de plombs de Choumak n'est pas forcément celui qu'on attendait. L'auteur y fait preuve du savoir-faire, de ce trait à l'élégance si particulière qu'on a pu admirer dans des séries comme Jerry Spring, même si la part belle est donnée aux personnages, moins aux paysages grandioses de l'ouest américain (ici canadien). Je m'attendais à un gros récit vue la taille du volume le contenant (maquette des meilleurs récits de Spîrou), mais au final il n'y a que 46 pages, soit un récit tout à fait classique dans sa taille pour l'époque. C'est donc assez vite lu. Comme l'a indiqué Gaston, ce n'est pas très spectaculaire, mais souvenons-nous que le récit d'origine a été écrit par un missionnaire pour éduquer la jeunesse de son époque sur les bienfaits de l'évangélisation, en parlant tout de même de vrais problèmes, comme les ravages causés par l'abus d'alcool, pouvant amener à des violences conjugales et à des gestes dramatiques.
Une fois n'est pas coutume, Jijé nous propose une bande dessinée d'aventures de grande qualité. Si la structure du récit et de la mise en page est très classique, c'est au niveau de l'écriture des personnages que l'on trouvera le principal intérêt de ce one-shot. En effet, Jijé s'ingénie à briser tout manichéisme avec son personnage principal, fermier courageux aux valeurs fortes, mais dont les faiblesses prennent parfois le dessus. Autant qu'une BD sur l'immigration des fermiers européens au Canada, "Blanc Casque" est aussi une BD sur l'alcool et sur la nature humaine, et en tant que telle, une BD vraiment réussie. Certes, Jijé ne s'épargne sans doute pas certains clichés un brin idéalistes sur la colonisation pacifique du Canada, mais le contexte est néanmoins très bien dressé, illustrant la polyvalence des cultures au sein des colons (qui n'étaient sans doute pas tous aussi solidaires que Jijé nous le montre, en passant), les tensions entre indiens convertis et indiens païens, le rôle des missionnaires chrétiens, nécessaires traits d'union entre les colons et les indiens, et véritable âme de l'organisation des terres agricoles au Canada... Bref, mine de rien, Jijé nous propose une fresque assez ambitieuse, dont on aura le droit de penser qu'elle propage une vision un peu trop unilatéralement positive de la période, mais qui impressionne par le talent avec lequel s'y entremêlent histoire intime et tableau historique. Bien évidemment, c'est aussi très convaincant visuellement, le trait de Jijé ayant l'efficacité qu'on lui connaît. Parfois un peu bavard : il arrive que le texte écrase quelque peu l'image. Mais c'est du détail, l'ensemble est très beau à voir, le dessin est fluide et le récit bien mené. Si je ne le savais pas, je ne me serais pas douté que Jijé adaptait là un livre en BD... Bref, encore une jolie pépite à découvrir ! Je ne conseille pas l'achat à un prix exorbitant, mais ça reste une bande dessinée intéressante à avoir.
J'ai découvert cette histoire en épisodes dans les albums reliés de Spirou, chez ma grand-mère. Elle a le charme suranné des lectures de vacances et des BD de papa. Le grand Jijé, qui dessina un temps Spirou (c'est lui qui l'a transmis à Franquin !) et qui créa plus tard Jerry Spring, offre ici une série classique à la mise en page très sage. Mais les personnages sont fouillés et plutôt ambigus pour une série pour enfants des années 50 : Blanc Casque n'est ni un héros ni un salaud, mais un homme qui cherche à bâtir sa vie et qui trébuche parfois, tenté par l'alcool, capable d'être violent avec sa femme quand il ne sait plus où il en est, quand il a l'impression que son destin lui échappe. Jijé reconstitue avec honnêteté et sans manichéisme la conquête de l'ouest canadien. On sent qu'il prend plaisir à dessiner chevaux et paysages, goût qu'on retrouve dans Jerry Spring. Et toutes ces qualités font que cette bonne histoire, même un peu vieillie, se lit encore très bien.
J'ai failli rire lorsque j'ai vu comment Jijé traitait la vie dans l'Ouest canadien. On voit très bien que l'histoire s'adressait aux lecteurs européens des années 50 qui rêvaient d'aventure dans le pays des bûcherons qui ont l'air dur, mais qui en fait sont super sympathiques. La preuve : tout le village aide le Polonais et sa famille à s'installer ! C'est assez rigolo de voir que les Canadiens français et anglais s'entendent à merveille alors qu'à l'époque, tu peux être sûr qu'en une journée tu vas entendre des "maudits anglais" et des "stupid frog" au moins dix fois. On évoque un peu les problèmes entre les blancs et les indiens, mais finalement comme ils semblent vivre bien on se dit que ça ne doit pas être trop grave. Bref, pour une histoire censée être "vraie", je trouve que c'est un peu n'importe quoi. De plus, le récit n'est pas très palpitant. Ça se laisse lire au début, mais je me suis franchement ennuyé dès que Blanc Casque (le surnom du Polonais) va chez les indiens. Et puis je trouve que le héros manque franchement de charisme. J'en avais rien à faire de sa vie ennuyante.
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