Itinéraires d'un rêveur (Le Rêveur / Soleil d'automne à Sunshine City) (The Dreamer)
'Le Rêveur' est un récit semi-autobiographique dans lequel Will Eisner dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours professionnel, il fait la rencontre de nombreux personnages qui partagent sa passion du dessin.
1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale Circus Kitchen Sink Press Profession : bédéiste Will Eisner (1917-2005)
'Le Rêveur' est un récit semi-autobiographique dans lequel Will Eisner dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours professionnel, il fait la rencontre de nombreux personnages qui partagent sa passion du dessin. Cet album inclut également deux autres récits fortement inspirés par la vie de l'auteur : 'Le Jour où je suis devenu professionnel' et 'Coucher de soleil sur Sunshine City'.
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Date de parution | Janvier 1988 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
Créer des comics : c'est la vie. - Cette histoire est parue pour la première fois en 1985, après L'appel de l'espace (1983) et avant La ville (1986). Il s'agit d'une bande dessinée noir & blanc, de 46 pages, écrite et dessinée par Will Eisner (1917-2005). Ce tome comprend également une introduction d'une page et demie rédigée en 1986 par Will Eisner, expliquant comment il a été amené à inclure des éléments autobiographiques tels que d'autres artistes. Il se termine avec 6 pages d'annotations rédigées par Denis Kitchen, indiquant quel artiste ou éditeur réel a été intégré sous un nom d'emprunt par Will Eisner dans son récit. Le 21 janvier 1937, le journal annonce que le président Roosevelt a déclaré la guerre contre la pauvreté, avec des aides plus importantes pour ceux qui ont trop peu. Dans la rue, Billy Eyron, dessinateur, regarde les 2 pièces qu'il lui reste dans sa main gauche, et tient son carton à dessin sous son bras droit. Il décide d'entrer dans un café et de s'y assoir. Une dame lui demande si elle peut s'assoir à la même table, et elle porte un carton indiquant sa profession : diseuse de bonne aventure. Elle est agréable, et Billy accepte de lui payer un thé, en échange de quoi elle lui dit son avenir : il deviendra un artiste célèbre, ayant du succès avec tout ce dont ça s'accompagne. Eyron sourit et sort pour aller à son rendez-vous. Il passe devant une balance publique qui donne le poids et une sentence. Cette dernière indique qu'il connaîtra le succès dans la carrière de son choix. Il prend le métro, et va embaucher chez l'imprimeur où il est employé en tant qu'homme de ménage. Dans la journée, son patron lui présente un monsieur bien sapé qui lui indique qu'il a besoin d'un artiste pour produire des bandes dessinées, de type pornographique mettant en scène des personnages célèbres. Billy Eyron indique qu'il va réfléchir. En rentrant chez ses parents le soir, Billy Eyron passe devant un kiosque à journaux et il constate le nombre croissant de comics en vente. Il explique à ses parents la proposition qu'il lui a été faite et qu'il n'est pas à l'aise avec. Son père lui dit qu'un homme doit savoir refuser. Il répond à une question de son fils en indiquant que le courage des hommes leur vient de leurs rêves. Le lendemain, il est en train de balayer l'atelier d'imprimerie quand le patron arrive et lui demande ce qu'il a répondu. Billy lui indique qu'il a refusé. Le patron le prend très mal car il était prévu que ces comics soient imprimés chez lui. Il congédie Billy Eyron séance tenante. Il va se reposer sur un banc dans un jardin public où il voit passer la diseuse de bonne aventure. Dans la journée il va présenter son portfolio à un magazine de mode qui le refuse. Dans la rue, il croise Ken Corn, un autre artiste, qui lui indique qu'il se rend à une réunion d'artistes pour examiner un projet de syndicat pour défendre leurs droits. Billy l'accompagne. La réunion est animée et de nombreuses promesses sont faites, et oubliées dès que les artistes se remettent à chercher du travail. Sur les conseils de Corn, il se présente chez un éditeur de comics le lendemain. Dans l'introduction, Will Eisner indique qu'il s'est servi de sa propre histoire personnelle pour évoquer cette période, celle de l'essor naissant des comics. De fait, Denis Kitchen indique dans la postface que Billy Eyron est bien l'avatar de Will Eisner et que plusieurs scènes peuvent être rattachées à des faits avérés. Le lecteur voit donc Will Eisner monter un studio (de 2 personnes, lui et Jimmy Samson) pour réaliser des pages de comics tout prêtes à être publier par un éditeur de magazine. Kitchen indique que Eyron & Samson est le nom fictif pour désigner l'entreprise Eisner & Iger qui a bel et bien existé. Il est difficile pour un lecteur contemporain de replacer tout seul l'identité réelle des autres artistes que croise Billy Eyron. Il peut donc lire ce court récit d'une traite sans se préoccuper de savoir à quels individus réels Eisner fait référence, et enchaîner avec les pages d'annotations. Il découvre alors à quels périodiques il est fait référence. Il découvre que Ken Corn n'est autre que Bob Kane (1915-1998), le futur créateur de Bamtan, que Gar Tooth est George Tuska (1916-2009) et qu'il aurait pu trouver tout seul que Jack King est Jack Kirby (1917-1994). Par contre, il aurait dû mal à trouver tout seul que le nom Eyron est un hommage à Cat Yronwod (née en 1947), éditrice ayant aidé Will Eisner à organiser ses archives, et ayant été la fondatrice et la directrice d'Eclipse Comics. Outre ces références pas immédiatement parlantes, le lecteur suit donc le parcours professionnel de Billy Eyron : création d'une association avec Jimmy Samson qui s'occupe de la partie administrative et du lettrage, puis création d'un véritable studio : c'est-à-dire plusieurs dessinateurs dans une grande pièce, chacun avec sa table à dessin, un superviseur, un scénariste et une secrétaire. Le lecteur familier des méthodes de fabrication d'un comics (travail à la chaîne : scénariste - dessinateur - encreur - lettreur - coloriste) en voit la naissance. Il observe la concurrence sauvage où un éditeur copie sans vergogne le personnage d'un autre qui a du succès. Il voit ce qui fait rêver encore plus le rêveur qu'est Billy Eyron : créer son propre personnage et avoir sa série dans les journaux sous forme de comic-strip. Là c'est facile : Will Eisner évoque The Spirit , sa propre création et le succès qu'il remportera par la suite. Bien sûr, le plaisir de lecture ne se limite pas à découvrir une tranche de la vie de Will Eisner sous une forme romancée. Il y a également la souplesse et l'intelligence de sa narration graphique. Les personnages sont toujours autant uniques et animés d'un souffle de vie, par leurs postures chacune différenciée, par les expressions de leur visage, par leur tenue vestimentaire. Le lecteur novice admire la souplesse des traits de contour, précis et d'une rare justesse. Le lecteur familier d'Eisner constate qu'il n'a pas encore atteint sa pleine élégance, ou qu'il s'est senti tenu de moins légèreté pour se montrer plus précis dans sa reconstitution historique. Il est impossible de résister au sourire de Billy Eyron, au regard noir d'Andrea Budd, ou à la séduction détendue (et pour cause) de Laverne. Eisner a l'art et la manière d'insuffler une sensation de vie, avec des individus à l'apparence sympathique, ce qui ne les empêche pas d'avoir des comportements d'adulte (il y a même une scène de lit). Will Eisner n'a pas son pareil pour doser ce qu'il représente sur la page. Il peut passer d'un mode théâtre (des personnages gesticulant sur un fond vide) à une description très précise d'une portion de trottoir d'une rue newyorkaise. Au côté des personnages, le lecteur s'assoit à une table de café, prend son repas à la table familiale des Eyron, arpente les rues de New York, circule entre les tables du studio Eyron & Samson, savoure un verre dans une soirée huppée. Comme à son habitude, l'artiste compose ses pages en fonction des scènes, privilégiant les cases sans bordure pour laisser le regard du lecteur plus facilement circuler. S'il y est sensible, le lecteur décèle quelques perles visuelles comme cette bande horizontale de petite taille comprenant 5 cases dans lesquelles la pluie tombe de plus en plus fort sur le pauvre Billy qui vient de décevoir une jeune femme. Effectivement, il ne s'agit pas d'une reconstitution froide de l'industrie naissante des comics, mais avant tout de l'histoire d'un jeune homme, d'un jeune rêveur. Le jeune Billy Eyron est animé par l'amour de l'art, l'amour de raconter des histoires en images. Le travail est dur, les horaires sont longs, mais le plaisir l'anime du soir au matin. Ses rêves se heurtent à la réalité : devoir dessiner des histoires pornographiques pour être vendues sous le manteau (enfin sous le comptoir), passer devant le juge pour effectuer un faux témoignage s'il veut conserver son emploi, choisir entre construire une carrière ou bâtir un foyer… Non seulement chaque personnage apparaît comme unique du fait de son apparence et de son langage corporel, mais en plus chacun a une histoire unique (c'est vrai pour tous les artistes du studio), des objectifs qui lui sont propres. Le lecteur observe ce rêveur avec un regard attendri mais aussi une admiration pour sa conviction inébranlable. Le fond de l'affaire est qu'une fois qu'il a gouté à l'humanisme de Will Eisner, le lecteur a besoin de sa dose suivante. Il passe alors en revue chacun des ouvrages (disponibles) de l'auteur sans savoir a priori quel genre d'histoire il va découvrir, mais certain d'y côtoyer des individus attachants. C'est également le cas pour cette histoire. Billy Eyron est un rêveur dans le sens où il a la conviction chevillée au corps de réussir dans le métier qu'il s'est choisi, pour lequel il a une vocation. Le récit n'est en aucun cas un copier-coller d'un autre : une évocation des jeunes années professionnelles de Will Eisner, une reconstitution historique servie par des dessins un peu moins déliés qu'à l'habitude, mais dégageant une chaleur humaine toujours aussi réconfortante.
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