George Sprott

Note: 4.33/5
(4.33/5 pour 3 avis)

Tout le monde connait George Sprott, le célèbre aventurier-animateur de la télévision. Pendant plus de quarante ans, il a fait rêver petits et grands en leur racontant ses diverses expéditions dans le grand Nord. Au crépuscule de sa vie, voici un petit retour en arrière sur une existence bien remplie.


Auteurs canadiens Drawn & Quarterly

George Sprott est un individu pour le moins particulier. Connu pour sa carrière de présentateur d'une émission de télévision locale, il a tenu durant plus d'une trentaine d'année, 34 pour être précis, des conférences chaque semaine sur le sujet qui l'a passionné durant toute sa vie : les explorations arctiques. Il ira pas moins de 9 fois là-bas et réalisera de nombreux films à cette occasion, qui serviront d'ailleurs pour ses émissions quelques années plus tard. D'apparence sympathique, George n'était pas forcément aussi gentil qu'il en avait l'air, hormis envers sa nièce. Dragueur invétéré, il n'aura été marié qu'une seule fois, mais il aura trompé sa femme à maintes reprises. Avant, il mit même enceinte une inuit et ne reconnut jamais aucune de ses responsabilités. En fait, George est un type fait de contradictions, incapable de reconnaître les personnes l'aimant véritablement. En fait, George est surtout un type comme tant d'autre.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 18 Novembre 2009
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série George Sprott © Delcourt 2009
Les notes
Note: 4.33/5
(4.33/5 pour 3 avis)
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20/05/2010 | RR15
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Présence

Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps ? - Il s'agit d'un récit complet, initialement paru en feuilleton dans le New York Times Magazine, complété et publié en 2009, dans un très grand format (36,3cm*30,48cm). C'est l'œuvre d'un seul auteur Seth qui a réalisé le scénario, les dessins, l'ajout de tons. George Sprott a 81 ans, il est à quelques heures de sa mort. le récit intercale le compte-rendu de ses dernières activités (repas, papotage, siestes inopinées, préparation de sa conférence imminente), avec de courtes saynètes revenant sur des moments de son quotidien (ses expéditions dans le Grand Nord canadien, ses émissions de télévision, ses conférences, son passage au séminaire, l'annonce de la mort de son père, sa relation avec sa femme, etc.), et des interviews de personnes l'ayant côtoyé à titre professionnel ou à titre amical. le tome s'achève avec la mort de George Sprott, et une dernière interview d'un collectionneur de souvenirs de la station de télévision qui enregistrait et diffusait les émissions de Sprott. Seth apparaît comme un auteur sophistiqué qui demande à son lecteur de participer activement dès les 2 premières pages placées en introduction avant le titre. Il s'agit de 2 fois 21 cases sur un fond bleu gris dans lesquelles flottent la tête de Sprott nouveau né et celle de Sprott à 81 ans, avec des considérations sur le néant existant après la mort, mais aussi avant la naissance. Par la suite, la voix du narrateur omniscient explique qu'il ne sait pas tout sur le personnage, qu'il a raté un moment crucial (ou pas) une demie heure avant sa mort et que l'histoire n'est pas forcément racontée dans le bon ordre. Seth attire donc l'attention du lecteur sur les conventions qui régissent la création d'une histoire et sa structuration. le lecteur a donc la responsabilité de prendre du recul pour s'interroger sur la signification de telle ou telle anecdote à ce moment précis du récit, ou dans sa trame globale. Il joue avec le lecteur en observant que les dates de séminaire de Sprott (1914-1918) coïncident avec celle de la seconde guerre mondiale tout en indiquant juste après qu'il ne faut voir aucune signification particulière dans cette information. C'est dans l'une des saynètes du passé que Seth donne la clef sur l'intention de son ouvrage : pour lui l'expérience du contraste entre l'extérieur et l'intérieur d'un individu constitue l'une des expériences d'humanité les intenses. Cette bande dessinée hors norme propose donc au lecteur de se former son propre jugement de valeur sur l'individu imaginaire George Sprott. Évidemment dans toute démarche de cette nature, la réflexion renvoie le lecteur à son système de valeurs, à ses convictions, à son éventuelle spiritualité, à ses croyances. Sur ce dernier thème, Seth est clair dès le début : aucune composante religieuse, ou même spirituelle. Seth se tient même à l'écart de toute théorie psychanalytique. Malgré des sujets aussi sérieux que la vie intérieure et l'altérité insondable d'autrui, cette histoire se lit avec une facilité exceptionnelle au point d'en devenir déroutante. Seth bannit les éléments trop modernes ou trop technologiques pour une sorte de présent immédiatement assimilable. Il utilise un graphisme épuré qui tutoie à la fois l'icône, le symbole, et dans certains recoins l'abstraction. Ces dessins procurent une lisibilité immédiate et très simple, mais pas tout à fait simpliste du fait de la réflexion graphique pour le choix des formes de base. La compréhension du visage de Sprott est immédiate, mais l'analyse des composantes montre un assemblage de traits basiques qui pris un à un perdent du sens pour relever d'une géométrie abstraite. La mise en page procède d'une maîtrise de composition tout aussi savante, pour une apparence tout aussi trompeusement simple. Seth utilise une grammaire graphique d'une étendue impressionnante, tout en faisant en sorte qu'elle reste en arrière-plan. Dans la saynète "Merrily we roll along", Seth raconte par les images une des expéditions de Sprott dans le grand nord, tout en évoquant son premier amour dans les inserts de texte. Il réutilise ce dispositif déconnectant images et textes un peu plus loin. Dans la page d'après il construit une biographie approximative de Sprott à base de photos juxtaposées donnant évoquant à merveille le temps qui passe et la distance impossible à franchir entre ces quelques moments choisis et la construction psychologique et émotionnelle de l'individu. Alors que le lecteur pourrait craindre une forme d'homogénéité soporifique due au graphisme, les mises en page (toutes sur la base de cases rectangulaires sagement juxtaposées) reposent sur des mises en scènes différentes qui introduisent des variations tonales dans la narration, rendant impossible la sensation d'uniformité soporifique. Même les différentes interviews avec plusieurs cases dédiées à des têtes en train de parler deviennent signifiantes dans leur forme qui rappelle que ces propos sont eux aussi artificiels et incapables de retranscrire la vie intérieure du sujet George Sprott. Il y a également quelques pleines pages qui capturent un instant dans toutes ses composantes matérielles, elles aussi graphiquement tirées vers l'épure, l'icône, l'élément générique qui symbolise tous ceux de cette famille d'objets. Il y a également une ou deux doubles pages qui mettent en évidence la nature abstraite de chaque trait utilisé pour composer chaque forme, chaque objet, chaque visage. Il attire l'attention du lecteur sur le mode de fonctionnement de l'attribution de signification, de la reconnaissance d'une forme connue avec des traits sur une page. Ces doubles pages forment des exercices à la frontière de la paréidolie aussi exemplaires que pédagogiques. Seth a même intégré des photographies des modèles réduits de bâtiments qu'il a réalisés avec du carton fort, habillé de surfaces dessinées. Dès le début, Seth place son histoire sous le signe de la mort et de l'art du narrateur. le lecteur plonge alors dans le récit d'une vie fictive avec ses actions remarquables (les expéditions dans le grand nord) et sa forme de célébrité dérisoire, de solitude, de vieillissement, le quotidien immuable des 20 dernières années de Sprott qui n'a jamais cessé de travailler. Les illustrations simples (en apparence presqu'enfantines) dédramatisent le discours sur la mort, tout en composant une tapisserie d'une grande richesse. le lecteur est amené à peser le sens de quelques actions de Sprott et de la perception qu'en ont eu ceux qui l'entouraient ou le croisaient, au regard de sa mort qui approche. Seth propose au lecteur de mettre en pratique la maxime de Nietzsche, en douceur, gentiment, mais inexorablement : quand on contemple l'abysse, l'abysse vous contemple aussi.

22/04/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Dans Wimbledon Green, Seth dressait de manière originale le portrait d'un personnage fictif, par le biais d'interviews de proches, de documents, de flash-back et d'histoires courtes, le tout non sans un certain humour. Pour George Sprott, il reprend le même concept de narration multiple et d'agrégation de données. Mais l'objectif cette fois n'est plus ni sociologique ni humoristique mais plutôt émotionnel et humain. Il s'agit en effet de donner corps à la vie fictive d'un homme, à la complexité de son esprit, à la façon dont sa vie s'est déroulée et au temps qui passe. Cet homme, c'est Georges Sprott, personnage imaginaire né dans l'Ontario à la fin du 19e siècle et mort en 1975. Après quelques quelques années de petits boulots, il effectue de son propre chef plusieurs expéditions dans le Grand Nord Canadien dont il revient chargé de souvenirs et de films muets. Dès lors, du début des années 50 jusqu'à sa mort, il va être rendu plus ou moins célèbre par les conférences hebdomadaires qu'il donnera sur le sujet mais aussi et surtout par l'émission sur la télévision locale qu'il animera pendant une vingtaine d'années. L'auteur le présente comme un homme complexe et secret. Malgré tous les témoignages le concernant, on dirait que personne ne le connaissait vraiment, ni ne le comprenait. Entre ceux qui lui reprochent son égocentrisme et son côté irresponsable et ceux qui au contraire l'admirent pour son sens de l'aventure et la facilité qu'il a à les faire partager à ceux qui l'écoutent, toutes ces descriptions semblent tourner autour d'un sujet sans que jamais une vérité unique ne puisse se faire jour. La forme de cet objet en bande dessinée est belle. Au contraire de Wimbledon Green qui était certes aussi une belle édition mais toute petite, ici c'est un très grand format cartonné que s'offrent Seth et les éditions Delcourt. Le papier est épais et glacé. Les planches sont plutôt classes dans la ligne assez claire et la bichromie qu'utilise l'auteur. La mise en page donne un côté rétro à l'ensemble. Et les chapitres sont régulièrement espacés par de grands dessins en double page de décors polaires ou des photos de maquettes en carton réalisées par l'auteur des bâtiments principaux du récit. L'ensemble se lit très bien et il se forme lentement dans l'esprit du lecteur une image mentale de la personnalité et de l'histoire de ce fameux George Sprott, le rendant à la fois humain et mystérieux. Je suis resté cependant un peu circonspect en fin d'album. Je me demandais où l'auteur voulait en venir. Jouer sur la biographie d'un homme, sa relation au temps qui passe, la nostalgie, les remords et les regrets avant la mort, ce n'est pas une thématique très originale en matière de littérature, de cinéma ou même de BD. La narration est ici certes particulière et agréablement menée mais là non plus, ce n'est pas quelque chose de complètement nouveau dans le genre. Et comme finalement, je n'ai pas été tellement touché par l'âme de cet homme et le souvenir qu'il laisse, aussi humain et imparfait soit-il, je ne peux pas dire que cette lecture va vraiment me marquer. Peut-être ai-je loupé quelque chose ceci dit, puisque notamment je n'ai pas tout à fait saisi les raisons exactes des légers tourments qui semblaient emplir les pensées de l'homme sur la fin de sa vie. J'imagine que cela a trait à son mariage bancal et à la fille qu'il a laissée dans le Grand Nord mais rien ne vient confirmer que quelque chose a traversé le blindage apparent d'égocentrisme du personnage donc je reste dans l'expectative.

24/09/2010 (modifier)
Par RR15
Note: 5/5 Coups de coeur expiré

Seth offre le récit d'une vie, celle d'un type comme les autres, un présentateur de télé locale qui a fait de sa passion (les explorations arctiques) un métier. Cet homme connu et apprécié de beaucoup était en fait antipathique et le plus souvent seul. Durant toute la lecture de ce volumineux objet qu'est ce livre – l'édition est superbe, soit dit en passant – nous assistons à la vie de cet individu à travers divers témoignages de collègues, spectateurs ou membres de sa famille. De petits récits forment en fait une grande histoire. Le résultat pourrait apparaître décousu : la narration est faite par une voix-off qui ne cesse de s'excuser de son manque de précision sur George. Mais le scénario multiplie les allers et retours entre passé, présent et derniers jours de l'animateur. Avec une façon de raconter les histoires qui nous rappellera forcément Chris Ware (sur son chef d'œuvre ACME notamment), ou David Heatley sur J'ai le cerveau sens dessus dessous, Seth place ici et là les pierres d’un édifice solide et passionnant. L'auteur a profité de l'édition de son histoire en version reliée pour y ajouter pas moins d'une cinquantaine de pages inédites. Nous suivons donc la vie et la mort de George Sprott avec intérêt, car aucune de ses facettes ne nous est épargnée. On l'adore, pour le détester la page suivante. Les contradictions de sa personnalité sont nombreuses, désespérément humaines. Avec un trait à la ligne claire, évoquant aussi bien Dupuy que Berberian (ou les deux), le visuel se montre sobre mais travaillé. Ce récit (complet) a de quoi montrer aux yeux de tous que les auteurs américains sont capables de proposer autre chose que des histoires de super héros (pour les indécrottables clichés), des histoires originales dans le fond mais aussi dans la forme. George Sprott est assurément une lecture marquante de cette année 2009 et il la conclut de fort belle manière. Un titre profondément humain.

20/05/2010 (MAJ le 20/05/2010) (modifier)